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Littérature


La Quête du Saint Graal Tome 1 Chapitre 11 entier

Publié par François d'Auberoche sur 29 Novembre 2014, 06:29am

La Quête du Saint Graal Tome 1 Chapitre 11 entier

Où nos héros prennent enfin la route pour chercher le Saint Graal .

Blanche Neige, tout excitée par la perspective du départ, se leva avant que l’aurore aux doigts de rose ne vienne par ses rayons illuminer la clairière. Elle courut vers l’orme où dormait la mésange et cria :

  • Debout là-dedans. Au jus. Le p’tit déj est servi !

Et, jetant par terre une poignée de graines, elle cria :

  • Maintenant, tu sais l’effet que ça fait d’être réveillé en sursaut !

Quelques minutes plus tard, elle virait les nains et faisait cuire la soupe qu’elle servit au lit à Galaad. Après le petit déjeuner, tandis que Blanche Neige, aidée de Galaad, faisait la vaisselle, les nains couraient en tout sens à la recherche d’une hache, d’un peigne à barbe, de tonneaux de vin, de couvertures ou de jambons. Le chargement de la charrette commençait à ressembler à une montagne, au désespoir de Tonnerre. Heureusement Galaad prit la situation en main, il expliqua aux nains qu’ils ne devaient emporter que le strict minimum, sous peine de ne pouvoir avancer.

  • Vous ne pouvez emporter toute votre maison. Vous ne devez avoir chacun qu’un sac avec du linge de rechange et deux couvertures. Pour la nourriture, on n’emporte que deux jours de vivres. On achètera au fur et à mesure. Mettez plutôt dans la charrette, des arcs, des flèches, des javelots, des épées, et des haches, et de quoi entretenir l’armement.
  • Mais, comment va-t-on faire ? demanda Prof.
  • J’ai l’habitude. Je vous expliquerai tout au long du voyage.

Finalement, la caravane s’ébranla vers neuf heures. En tête, venaient Grincheux et Galaad, armés jusqu’aux dents. Puis, suivaient Gourmand, Atchoum, Dormeur et Blanche Neige. Prof conduisait Tonnerre, sa ponette Dalta attachée à la charrette. Joyeux et Timide formaient l’arrière-garde.

Le chemin qu’ils suivaient était une allée forestière, très sombre sous de grands arbres, mais toute droite et très large. Aussi en tête, Grincheux et Galaad, conversaient-ils tranquillement :

  • Pour l’instant, disait Galaad, le chemin permet à la charrette de passer, mais en sera-t-il ainsi plus loin ?
  • Oui, nous prenons un itinéraire qui nous amènera, par des chemins carrossables, à proximité de l’étang où se cache le monstre qui doit protéger ce sacré Graal. Nous devrions y être avant midi. Ce qui nous permettra de revenir à la maison ce soir, si tout va bien. Il vaut mieux éviter de dormir à la belle étoile dans cette forêt.
  • Oui, si tout va bien... Depuis que je suis dans cette forêt, il m’arrive tellement d’aventures, que je m’attends au pire.
  • Tu deviens philosophe, Galaad.
  • Au fait, Grincheux, pourquoi es-tu surnommé Grincheux ? Je ne trouve pas que tu le sois.
  • Merci. J’avais tendance à râler pour un rien autrefois. La monotonie sans doute. J’espère que ce voyage me changera les idées et que nous aurons beaucoup de combats comme l’autre soir, cela m’avait bien distrait.
  • Oui, j’ai remarqué que vous aviez tous apprécié la bataille.
  • C’est normal. A force de creuser dans la mine, on s’ennuie. D’accord, les diamants nous permettent de vivre dans le luxe et de faire bonne chère tous les jours, mais un voyage ce sera plus divertissant.

Ils devisaient ainsi calmement quand une espèce de trombe passa sur le chemin à côté d’eux, les renversant de son souffle. Ils entendirent ensuite un bruit épouvantable, comme cent tonnerres à la fois, qui mit longtemps à baisser d’intensité. Toute la caravane était par terre. La charrette était renversée. Les poneys terrorisés se cachaient dans les buissons ou dans les plus hautes branches des chênes. Prof, qui était tombé de haut, était encore plus furieux que Grincheux :

  • Nom de Zeus, de nom de Zeus ! Si je l’attrape ce petit salopard, je lui donne une raclée qui fera luire ses fesses pendant six mois.
  • Sale môme ! hurlait Grincheux.
  • Petit truand, satrape visqueux, hoplite dégénéré ! criait Joyeux.
  • Fils à papa ! tonitruait Dormeur.
  • Mais qu’est-ce que c’était ? demanda Galaad.
  • Cet imbécile de petit Poucet, qui fait encore le malin avec ses bottes de sept leugas,[1] lui répondit Prof. Nous aurions dû nous méfier, cette allée cavalière est idéale pour la vitesse. J’ai calculé qu’en faisant sept lieues par pas, il court quarante-sept fois plus vite que le son. C’est monstrueux les dégâts qu’il fait. Les poules font des infarctus, le lait des vaches tourne et moi, je me retrouve dans le fossé.
  • Décidément cette forêt est pleine de dangers, fit remarquer Galaad.
  • Bon, au travail, dit Grincheux. Il faut redresser Prof et la charrette et ensuite ranger à nouveau les bagages. On va perdre un temps fou par la faute de ce sale gosse.
  • Je commençais juste à m’endormir, dit Dormeur. Quelle vie !
  • Tu passeras devant pour détecter les goules, ça te réveillera, dit Grincheux.
  • Mais c’est pas vrai, les punitions ne vont pas durer éternellement quand même ?
  • Si, jusqu'à ce que Galaad retrouve ses oreilles.
  • Et son nez, ajouta Joyeux.
  • Mais c’est pas moi qui lui ait arraché, c’est Blanche Neige.
  • Tais-toi ! hurla Blanche Neige.
  • Que voulait-il dire, mon amour ? demanda Galaad.
  • Mais rien. Ne t’en mêle pas, c’est une histoire de nains.
  • Puisque je suis puni, je vais cafter. C’est Blanche Neige, en passant la pommade, qui a arraché le nez et les oreilles du chevalier, brailla Dormeur à toute vitesse.
  • Oui, mais qui avait fait bouillir l’eau ? demanda Prof.
  • C’était pour la stériliser, inventa Dormeur.
  • Bon, si je comprends bien, dit Galaad, c’est Dormeur qui m’a ébouillanté pour me désinfecter et Blanche Neige qui m’a arraché le nez et les oreilles, pour faire plus joli.
  • C’est à peu près ça, dit Joyeux.
  • Mais non, pleura Blanche Neige, je te soignais et ton nez est tombé quand j’ai passé l’onguent. Ensuite, je ne sais pas, j’avais les mains sur ta figure et je me suis retrouvé avec une oreille dans chaque main.
  • Je ne l’ai pas fait exprès, pleura aussi Dormeur. Je mettais des bûches dans le feu et ça m’a endormi. Gourmand devait me surveiller, mais il ne pensait qu’à manger.
  • Ce n'est pas ma faute, c’était l’heure du casse-croûte et Prof m’a envoyé surveiller Dormeur. S’il m’avait laissé le temps de manger un peu, ça ne serait pas arrivé.
  • Non, vous n’allez pas tout rejeter sur moi, dit Prof. Si le chevalier n’avait pas bu beaucoup la veille, on n’aurait pas été obligé de le baigner.
  • Et toc, voici qui s’appelle un retour à l’envoyeur, dit Galaad. C’est donc ma faute si je dois porter un masque pour cacher ma nouvelle beauté.
  • Non, non, non, dit Timide, c’est, c’est, c’est la faute à pas de chance, c’est, c’est, tout.
  • Timide est le plus sage, dit Grincheux. On ne va pas reconstruire le passé. Ce qui est fait est fait. On regrette, mais on n’y peut rien. Maintenant dépêchez-vous, on a rendez-vous avec un monstre et je n’aimerais pas passer la nuit à me battre avec des ogres ou des goules, après avoir combattu cette énorme bête.
  • Bien dit, énonça Atchoum, qui n’éternuait plus depuis que le fumet de la mère Denis avait nettoyé ses fosses nasales.
  • Chéri, tu ne m’en veux pas tout de même, demanda Blanche Neige.
  • Mais non, c’est plus pratique pour embrasser.

Une demi-heure plus tard, nos héros se remettaient en route. Ils atteignirent un virage après avoir trotté quelques milles. Grincheux fit remarquer à Galaad une trouée à travers les arbres.

  • Regarde ces traces, tous ces arbres abattus. J’ai l’impression que notre ami le supersonique a mal négocié son virage.
  • Incroyable, constata Galaad, aussi loin que la vue porte, on aperçoit cette trouée.
  • Oui, il avait pas mal d’élan. J’espère qu’il a trouvé un buisson d’orties pour finir.
  • Des ronces ne seraient pas mal aussi. Je suis heureux de voir que dans cette forêt les excès de vitesse sont sanctionnés. Il y a trop d’inconscients sur les routes.

Un peu plus loin, Grincheux appela Prof :

  • Prof, on arrive à un grand carrefour à huit chemins. Lequel doit-on prendre ?
  • Attendez-moi, je viens.

Ils étaient arrivés à une immense étoile de huit routes. Ils se rassemblèrent tous au centre pour profiter du soleil. L’ennui de ces chemins obscurs sous les arbres gigantesques leur apparut alors. Qu’il était agréable de profiter du soleil de Juillet ! Gourmand ne perdit pas une seconde, sauta à bas de Tsoin-tsoin, prit sa musette et entreprit de saucissonner. Il fut aussitôt entouré. Même Prof vint quémander sa part. Galaad intervint :

  • Oh, les goinfres ! Il faudrait penser à continuer. Quelle est la bonne route ?
  • Cha peut attendre, répondit Gourmand la bouche pleine.
  • Non ! dit Grincheux fermement. La forêt est pleine de dangers, moins on y reste, mieux ça vaut.
  • C’est ce que fait le petit Poucet, répondit Joyeux. Tu as vu les résultats de la vitesse. Maintenant ses intestins doivent être enroulés autour d’un chêne.
  • Trêve de bêtises. Prof, aide-nous. Quel est le bon chemin ? rugit Grincheux.
  • Che chais pas, egade la cate.
  • Avale ce que tu as dans la bouche et répète.
  • Je ne sais pas, regarde la carte.
  • Quelle carte ? Je n’en ai pas.
  • Moi non plus, répondit Prof en arrêtant de mastiquer. Tu ne l’as pas prise ?
  • Ben non. La carte était dans ton bureau. C’était à toi de la prendre.
  • Vous allez rire, mais j’ai complètement oublié. Que va-t-on faire ?
  • J’ai une idée, dit Galaad. Théoriquement personne, ou presque, ne va vers cet étang sinistre. Le chemin pour y aller doit être le moins fréquenté, ce sera donc celui où l’herbe est la plus haute.
  • Regardons, dit Grincheux.

Galaad et Grincheux, toujours en selle, examinèrent avec attention les sept routes qui s’offraient à eux. Malheureusement, elles étaient toutes semblables et magnifiquement entretenues.

  • Flûte, Zut et Cornegridouille, jura Grincheux. Les cantonniers travaillent trop bien. Toutes les allées sont impeccables. Oh ! Galaad ! Tu as vu ? et il tendit le doigt vers une allée.

A quelques pas d’eux, des buissons traversaient en courant un des layons. Galaad talonna Bowmore et galopa vers un des buissons qui commençait sa traversée. Il l’attrapa de la main droite et le déposa au pied de son cheval.

  • Qui es-tu ? demanda Galaad, d’un air sévère au buisson qu’il avait cueilli.
  • Elève chevalier de Landévennec. Premier Bataillon, Deuxième Compagnie, Troisième section, à vos ordres mon capitaine.
  • Ah, dit Galaad en éclatant de rire, un arbrisseau qui parle. Vous, les autres buissons, avancez vers le milieu du chemin.

Tous les arbustes avancèrent vers Galaad et s’arrêtèrent devant lui.

  • Qu’est-ce que c’est ? demanda Galaad à Grincheux qui venait d’arriver.
  • Un cyrard.
  • Un quoi ?
  • Un élève chevalier, sans doute en manœuvres. Leur école n’est pas loin. Elle est à Coëtquidan, un petit village à quelques milles d’ici. Comme leur saint patron est saint Cyr, on les appelle des cyrards.
  • Bien le bonjour, noble chevalier, dit un chevalier qui sortait de l’abri d’un taillis.
  • Bien le bonjour, noble seigneur, répondit Galaad au chevalier. Je suis le chevalier Galaad de Tintagel, Compagnon de la table ronde, envoyé spécial de feu le roi Arthur de Cornouailles pour retrouver le Saint Graal. A qui ai-je l’honneur ?
  • Je suis le chevalier Edwin de Tronoën de Saint Quay de Portrieux, instructeur de cette bande de dégénérés. Je suis très honoré de rencontrer un chevalier de la table ronde. J’aurais préféré chercher avec vous le Saint Graal, mais l’on m’a confié la mission, presque impossible, de transformer ces bacheliers ignares en chevaliers.
  • C’est exactement ce que disait de moi et de mes condisciples, notre instructeur.
  • Entre nous, le mien aussi. Alors, Bazar,[2] cria Tronoën à Landévennec. Que faisais-tu dans les pattes du chevalier ?
  • J’essayais de traverser le chemin sans me faire voir.
  • Espèce de brêle, c’était plutôt loupé, constata Galaad. Alors Tronoën, que faites-vous céans ?
  • J’essaie d’apprendre à ces jeunes gens à se battre à pied. Mais ils ne sont vraiment pas doués pour cela. Ils ne seront bons qu’à galoper sans réfléchir et à se faire massacrer. De toute façon comme ils ont tous, comme moi, un nom à rallonge, ils ne peuvent aller, sans déchoir, que dans la cavalerie. Et vous, sire Galaad, si ce n’est pas indiscret, quelle est la raison de votre présence dans cette forêt maléfique ?
  • Je cherche une grotte, au fond d’un étang, dont l’accès serait défendu par un monstre. J’ai de bons renseignements qui me permettent de croire que ma quête sera facilitée par la visite de cette grotte. Par hasard, ne sauriez-vous pas où elle se trouve ?
  • Mais si, je vais vous y conduire. Vous n’êtes pas seuls à ce que je vois.
  • Oui, j’ai avec moi la princesse Blanche Neige et sa garde personnelle, les sept nains.
  • La princesse Blanche Neige ! Quel honneur pour moi de la rencontrer. Les nains de sa garde ont l’air de bons guerriers, mais vous n’êtes pas assez nombreux pour protéger la princesse. Mes élèves se feront un plaisir de vous fournir une escorte.
  • Ce n’est pas vrai ? hurla le jeune Landévennec.
  • Il n’a pas l’air enthousiaste, fit remarquer Galaad. Quelque chose le chagrinerait-il ?
  • Il faut dire que le dragon qui en défend les abords a de quoi refroidir les ardeurs des bazars, répondit Tronoën.
  • Il est grand ?
  • Pas tellement, environ trente coudées de long et dix de haut.
  • Bof, un jeune ou une femelle. Je préférerai un jeune, les femelles sont souvent plus coriaces et très rusées.
  • C’est le cas de celle-là. Personne n’est revenu vivant de cet étang. Je l’ai toujours aperçu de loin. Je menace souvent mes élèves de les y amener, mais je ne veux pas perdre mon temps à écrire des rapports pour expliquer de lourdes pertes, aussi je m’en éloigne. Mais aujourd’hui pour vous, je ferai une exception. Tant pis pour les morts, car le combat sera dur, Galaad. Sonnez le rassemblement ! cria Tronoën.

Un jeune élève qui suivait le chevalier de Tronoën de Saint Quay de Portrieux, comme son ombre, sortit un cor de dessous son surcot et sonna longuement par trois fois. De part et d’autre du chemin des buissons accoururent.

  • Sergent, hurla Tronoën, faites enlever les camouflages, rajuster les tenues et rassemblez la section en ligne sur trois rangs, face à moi.
  • Pendant ce temps, dit Galaad, si vous le permettez, je vais vous présenter à la princesse et à son escorte.
  • J’en serai fort honoré.

Pendant que Blanche Neige, Tronoën et les nains faisaient assauts de politesse avec des : moult enchanté, c’est un honneur pour moi, je vous en prie, vous en êtes un autre, etc., les élèves chevaliers ne perdaient pas leur temps. Les buissons enlevèrent rapidement leurs branches. De frêles jouvenceaux apparurent qui rajustèrent leurs vêtements et les brossèrent. Puis, sortant de leurs poches des clefs à molette, se livrèrent à une besogne sur leur casque. Cette opération intrigua fort Galaad.

  • Dites-moi, Tronoën, que font donc vos élèves ?
  • Ah ? Ils resserrent les boulons.
  • Quoi ?
  • Les casques tiennent sur la tête au moyen de boulons. Il faut les resserrer régulièrement. Cela offre deux avantages, le premier est de rendre le casque inamovible pendant les combats, le deuxième est d’empêcher le développement de l’encéphale, voire même de le diminuer. Nous obtenons donc de parfaits militaires. Ceux qui ont serré le plus leurs boulons ont de grandes chances de finir général.
  • Pas bête, nous procédons autrement, mais le principe est le même, seuls les microcéphales ont le droit d’accéder aux commandements suprêmes. Ils obéiront ainsi sans broncher aux desiderata insensés des gouvernants. C’est ce qui nous garantit les meilleurs massacres.
  • Je ne sais si nous serons à la hauteur aujourd’hui, mais nous ferons de notre mieux, conclut Tronoën.

A ces paroles, un frisson parcourut les rangs des jouvenceaux.

  • Allons les voir, dit Tronoën. Ils ont besoin que je les harangue. Venez Galaad, et vous aussi, Princesse et messires les nains.

Tronoën s’avança vers sa troupe. Le sergent hurla :

  • Garde à vous ! Présentez, Armes !

Et, pendant que les élèves levaient leur épée pour saluer le chevalier et ses hôtes, le sergent hurla encore :

  • Troisième section rassemblée. Effectif théorique quarante-cinq. Présents : Quarante. Tués trois, les élèves chevaliers de Kergonadeac’h et Dupont massacrés par un Ogre, de Kerfeunteun dévoré par une goule. Disparus deux, les élèves chevaliers de Locquirec et de Goalennec. A vos ordres, mon Capitaine.
  • Quel Dupont ? de Nemours ?
  • Présent, dit une petite voix.
  • Non, mon Capitaine, d’Isigny.
  • Zut, dit Landévennec à l’élève chevalier Hubert de Kernacé. Il avait toujours des colis de friandises.
  • Silence dans les rangs, hurla le sergent.
  • Des suppositions sur les disparitions, sergent ?
  • Ils ont coupé à travers les marais, mon Capitaine. Ils devaient se prendre pour Jésus-Christ, mais ils n’ont pas réussi à marcher sur l’eau. Je pense qu’ils avaient dû manger des amanites tue-mouches (champignon hallucinogène).
  • Il faut vraiment être myope, elles sont rouges à pois blancs. C’est impossible à confondre.
  • Ils n’ont pas confondu, mon Capitaine. Ils ont voulu essayer.
  • Il faut une sanction pour les brêles. Cinq pertes sur quarante-cinq. C’est bon, on est en dessous du pourcentage autorisé. Sergent, vous me préparerez, en rentrant, les lettres habituelles aux familles et vous les mettrez à ma signature. Bien, Messires, vous avez l’honneur d’avoir devant vous la princesse Blanche Neige, ici présente.

Blanche Neige s’avança en souriant et leur fit une révérence.

  • Le chevalier Galaad de Tintagel, Compagnon de la table ronde, envoyé spécial de feu le roi Arthur de Cornouailles pour retrouver le Saint Graal.

Galaad leur fit un salut de l’épée.

  • Les nains Prof, Atchoum, Dormeur, Gourmand, Grincheux, Joyeux et Timide de la garde personnelle de la princesse.

Les nains ôtèrent leurs petits bonnets blancs et firent un grand sourire.

  • Donc, Messires les élèves chevaliers, aujourd’hui, vous allez avoir l’honneur de mourir pour ces nobles personnages. Vous ne pouviez mieux choisir.
  • Ce n’est pas tout à fait le choix que j’aurais fait pour passer cette journée, chuchota Kernacé à Landévennec.
  • Qu’est-ce que tu aurais fait ?
  • Je connais une petite brune avec qui je serais bien allé me promener.
  • Ah oui. Qui c’est ?
  • C’est mon secret.
  • Donc, continuait Tronoën, vous allez escorter cette noble assemblée jusqu’à l’étang du dragon.
  • Hein ? hurlèrent quarante voix, plus cinq, celles des fantômes des tués et des disparus qui, eux, avaient eu de la chance.
  • Oui, Messires. Nous allons à l’étang du dragon, le rencontrer, le combattre et le tuer. Les moins braves d’entre vous pourront aussi mourir.
  • Même les plus braves, s’ils sont en première ligne, dit Landévennec à Kernacé.
  • Landévennec et Kernacé, sortez des rangs, hurla Tronoën.
  • Nous allons peut-être avoir la chance d’être tués tout de suite par le vorace (chevalier instructeur), dit Kernacé.
  • Compte tenu de votre enthousiasme évident, dit le capitaine, vous Kernacé, conduirez le groupe d’assaut avec douze élèves. Landévennec, vous commanderez un groupe de protection de douze. Dupont de Nemours, puisque vous persistez à être toujours vivant, vous commanderez l’appui avec aussi douze de vos camarades. Le reste à ma botte. Sergent formez les groupes ! Sonneur, appelez les véhicules !
  • Je me demande si un groupe de douze plus moi, ça ne fait pas treize, confia Landévennec à Kernacé.
  • Peut-être. Les maths et moi, tu sais, on est fâché. Si c’est treize ou quinze ça sera pareil. Ma mission n’est pas faite pour me porter bonheur, répondit Kernacé. Espérons que je reverrai Christine.
  • Je m’en doutais, sacré Hubert. C’est la plus chouette.
  • Ce n’est pas vrai, intervint l’élève chevalier de Kerfontaine. La plus chouette, c’est Florette.

Le sergent intervint à ce moment :

  • Mon capitaine, j’ai peur qu’il n’y ait personne pour aller avec vous, à part moi.
  • Qu’est-ce que vous me racontez ?
  • Si vous faites trois groupes de treize, ce qui fait trente-neuf, sur quarante il n’en reste plus qu’un.
  • Je n’ai rien compris. Formez les groupes devant moi !

Trois minutes après, les trois groupes étaient rassemblés devant le capitaine. Le sergent était tout seul à côté, à la stupéfaction de Tronoën.

  • Ça alors, je ne sais pas comment vous avez fait pour le prédire. D’habitude j’ai une garde rapprochée.
  • On a eu des pertes.
  • Oui, je sais, mais comment avez-vous fait pour le deviner ?
  • J’ai calculé.
  • Mazette. Qu’est-ce que vous faites dans l’armée, si vous savez compter ?
  • J’ai bêtement signé pour cinq ans, un soir d’ivresse.
  • Je comprends mieux. Réduisez-moi donc les groupes, je veux cinq hommes avec moi, plus mon sonneur, plus vous. Débrouillez-vous et appelez les chariots !

Bientôt appelés par le cor du sonneur, quatre chariots arrivèrent suivis du cheval de Tronoën. Les élèves chevaliers embarquèrent dans les chariots et le capitaine se mit en selle. Il vint trouver Galaad.

  • L’étang est à cinq milles d’ici. Je vous propose de nous en approcher le plus près possible avec les chariots et les chevaux, puis de continuer à pied. S’il y a combat, ce n’est pas la peine de faire tuer des bêtes inutilement. Les élèves sont là pour ça.
  • Tout à fait d’accord, dit Bowmore.
  • Moi aussi, dit Tonnerre.
  • Nous laisserons les chevaux, les chariots et la princesse sous bonne garde. Nous enverrons des éclaireurs qui nous renseigneront sur l’ennemi. Nous prendrons nos décisions ensuite.
  • Tout à fait d’accord.
  • Pas d’accord du tout, dit Blanche Neige. Je vais avec vous jusqu’au bout.
  • La place des femmes est à la cuisine, pas sur le champ de bataille, rétorqua Tronoën.
  • Ouïe, aïe, aïe ! dit Grincheux. L’insensé, il va nous la remonter !
  • Qu’as-tu dit, vermisseau ? dit la princesse d’un ton glacial. Sais-tu à qui tu parles ?
  • Il plaisantait Princesse, dit cérémonieusement Galaad. Comme tu n’es ni équipée, ni formée pour te battre, nous ne te laisserons pas approcher de cet étang.
  • Et si je refuse.
  • Je te ferai ligoter à un chariot et garder comme une prisonnière.
  • Mais enfin Galaad, pourquoi je ne peux pas m’amuser moi aussi ?
  • Blanche Neige, ce ne sera pas un tournoi, ni une partie de plaisir. Il y aura de la sueur, du sang et des larmes. La guerre n’est jamais drôle.
  • Et pourtant quand les nains en parlent, c’est toujours drôle.
  • Les guerriers plaisantent toujours après, car ils sont contents d’être encore en vie et indemnes. N’aie crainte, ce ne sera pas long. Allez, en selle et en route !

Le convoi s’ébranla, en tête venaient Tronoën, Galaad et Grincheux. Les chariots suivaient avec au centre Blanche Neige, Gourmand, Atchoum et la charrette de Prof. En queue, derrière les derniers chariots, Dormeur, Joyeux et Timide formaient l’arrière-garde.

Une heure plus tard, Tronoën fit arrêter la colonne et mettre pied à terre.

  • Sergent, désignez cinq hommes pour garder le convoi et la princesse, cria Tronoën.
  • Nous allons aussi la protéger, dit prudemment Prof, avec Gourmand, Atchoum et Dormeur. Nos meilleurs combattants, Grincheux, Joyeux et Timide, viendront avec vous.
  • Mon Capitaine, intervint le sergent. Je tiens à porter à votre connaissance que maintenant il ne reste plus avec vous que votre sonneur de cor et moi.
  • Ce n’est pas possible ? Et pourquoi ?
  • Vous en voulez cinq pour garder le convoi. Les groupes ne comportent plus que onze hommes avec le chef de groupe. Que fait-on ?
  • Ne me posez pas de questions de calcul. Vous êtes sergent, débrouillez-vous. Le plus important est de sauver les élites. Organisez donc ma protection.
  • C’est arrangé, dit Galaad. Je viens avec vous et trois nains. Chaque nain se bat comme quatre hommes. Vous aurez donc une escorte de douze hommes, un sergent et un chevalier.
  • Je n’ai rien compris, mais je vous fais confiance, répondit Tronoën. Kernacé !
  • Oui, mon Capitaine.
  • Vous partez en reconnaissance. C’est une mission facile, vous suivez ce chemin, il mène directement à l’étang. Vous y serez en moins de cinq minutes. Pour déceler le dragon c’est bête comme chou. Vous mettez un élève en tête, à cinquante pas en avant du groupe. Quand il flambe, vous repérez le dragon, vous ne le quittez pas des yeux et vous envoyez un coureur nous informer. Compris ?
  • Affirmatif mon Capitaine. Bon, dit Kernacé, désignons l’éclaireur de tête. Qui est volontaire ? Personne ? D’accord. Qui ne veut pas être en tête ? Tous. C’est ce que je pensais. Alors vous me donnez vos sous. Celui qui m’en donnera le moins ira en tête, suivi du second, etc. Ça vous va, les gars ?
  • Oh, dit Tronoën à Galaad, il n’est pas bête celui-là, il ira loin. Je me demande ce qu’il fait dans l’armée. Landévennec et Dupont, tenez-vous prêts à leur porter secours. Profitez-en pour faire vos prières, si ce n’est déjà fait.

Les enchères eurent lieu rapidement et le groupe du richissime Kernacé s’ébranla. Il disparut très vite dans le sous-bois. Galaad piaffait d’impatience. Il n’avait pas l’habitude de confier à d’autres le soin de remplir sa tâche. Mais, comme lui dit Tronoën, il faut savoir respecter la coutume militaire. Les chefs ne sont pas là pour se faire tuer bêtement. Il y a des hommes qui sont payés pour ça. Dix minutes à peine après leur départ, un homme du groupe de tête revint en courant.

  • Elève Chevalier de Kelistoar, Premier Bataillon, Deuxième Compagnie, Troisième section, au rapport mon capitaine.
  • Parle.
  • De la part de Kernacé, mon chef de groupe. Il n’y a pas de dragon, mais une femme toute nue qui se baigne. Je l’ai vu mon capitaine, elle est splendide. Venez vite tous, ça vaut le coup d’œil !

[1] Leugas = lieues. Voir en fin de livre les mesures. D’après Prof, le petit poucet avait une vitesse de 16 Km/s. Il aurait dû échapper à l’attraction terrestre, Prof s’est trompé dans ses calculs !

[2] n. m. (persan bazar). Marché public et couvert, en Orient et en Afrique du Nord. | En Europe, magasin où l’on vend toutes sortes de marchandises (vx).| Pop. Objets en désordre. | Arg. Mil. Elève officier de première année à l’école de Saint-Cyr. Madame Larousse.

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