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Littérature


Le Roman familial arrive.

Publié par François d'Auberoche sur 6 Octobre 2013, 11:13am

La sœur marchait en silence, à petits pas rapides, devant Léonie, sa tenue bleu-nuit se détachant à peine sur les murs sombres de Saint-Lazare. Une deuxième sœur trottait juste derrière elle, fermant la marche. On n’entendait que le tintement de l’énorme trousseau de clefs que portait la première sœur et le fracas métallique des portes barreaudées qu’elle ouvrait et refermait à double tour à chaque carrefour.

Pour Léonie, il semblait qu’il y en avait des centaines, la prison Saint-Lazare devait être immense. Et elle ne se trouvait que dans la première section, celle des prévenues et des condamnées ! Léonie savait par ouï-dire, qu’il y en avait deux autres, une spéciale pour les prostituées (prison - hôpital) et une autre pour des jeunes filles, retirées à leurs parents ou placées par correction paternelle.

Enfin au bout d’une éternité la sœur qui était en tête s’arrêta devant une porte en bois semblable à toutes les autres. Elle regarda par le judas central et cria dans l’orifice grillagé :

- Toutes au fond, contre le mur !

On entendit des bruits de pas rapides. La sœur vérifia et cria :

- Ne bougez plus, nous entrons.

Elle déverrouilla la porte et entra. Léonie, poussée par la seconde sœur, la suivit. La porte fut refermée aussitôt par la seconde sœur qui s’adossa à la porte et surveilla la cellule. Celle-ci, un carré de deux mètres cinquante de côté, était déjà occupée par trois femmes qui lui tournaient le dos, plaquées face au mur du fond, sous une minuscule fenêtre barreaudée. De part et d’autre de la cellule, deux châlits à deux étages, en bois brut, se faisaient face. La première sœur s’adressa aux trois femmes :

- Voici la nouvelle : Léonie GERARD. Elle prendra le lit bas à gauche. Marie, vous lui expliquerez la discipline !

Elle se tourna ensuite vers Léonie effarée :

- Posez vos affaires ici, Léonie. Ce sera votre lit. Vous avez un seau pour vos besoins à droite de la porte. Il est huit heures moins le quart. A huit heures, appel et extinction du gaz. N’oubliez pas vos prières, repentez-vous et dormez.

Sur ces mots, la sœur fit demi-tour et sortit. Les trois femmes se retournèrent aussitôt. Des cris fusèrent :

- Une bourgeoise ! T’as vu ses nippes !

- En plus, elle bouffe trop ! T’es trop grosse, salope.

- Tu dois avoir plein de tunes. Aboule l’aubert ma grosse.

Léonie, affolée, s’effondra sur le lit qu’on lui avait attribué. Elle en fut tirée immédiatement par trois paires de bras qui entreprirent de la déshabiller et de la fouiller. Elles trouvèrent très vite la monnaie de nécessité remise au greffe de la prison en échange de son argent. Les pièces et les jetons furent partagés en trois parts égales en quelques secondes. La plus grande des femmes, une blonde maigre de moins de trente ans s’adressa à Léonie :

- Ça ma grosse c’est ton loyer ! Alors tu la fermes, un seul mot aux sœurs et tu tâteras de mon surin. Compris ?

Et elle sortit, un stylet pliant à cran d'arrêt, accroché dans sa jarretière.

- Ça s’appelle une dague de pute, précisa une des femmes, aux cheveux noirs coupés à la garçonne. Fais gaffe, il est affuté comme un rasoir.

Léonie, petite boulotte quadragénaire, aux cheveux châtain clair, aux yeux marron en boutons de bottine, effrayée par ce qui lui arrivait, ne put que bredouiller :

- Oui, mais laissez-moi un peu d’argent, pour acheter à la cantine de quoi écrire.

- T’as raison Léonie, comme ça t’en redemanderas à ton julot. On lui rend chacune un franc. Moi, c’est Marie, bienvenue à St Lazare !

- Moi, c’est Julie, dit la seconde.

- Et moi, Nini, se présenta la troisième, une rousse d’une vingtaine d’années ?

- Alors, demanda Marie, qu’est-ce que t’as fait ?

- Est-ce qu’on peut en parler demain ? demanda faiblement Léonie.

- Bien sûr, répondit Marie. Les roussins ont dû te questionner toute la journée. Enlève ta robe, allonge-toi et tâche de dormir.

Léonie s’exécuta, plia sa robe au pied du lit et s’allongea sur sa couche. Elle s’enroula dans la grossière couverture de laine, ferma les yeux, et quelques instants plus tard, elle entendit un coup de sifflet puis le cri :

- Appel !

Durant cinq minutes leur couloir retentit du bruit des serrures que l’on ouvrait, des cris des femmes répondant présentes à l’appel de leur nom. Elle n’eut pas à le faire pour elle, c’est Marie qui répondit à sa place :

- Présente couchée !

- La sœur souleva la couverture pour vérifier et ordonna :

- Couchez-vous, j’éteins de suite !

- Deux secondes, ma sœur, dit Marie. On se déshabille.

Marie enleva sa robe en vitesse et se coucha au-dessus de Léonie. Les deux autres, par contre, se déshabillèrent complètement et provoquèrent la religieuse en se caressant et en commentant.

- Regarde un peu Nini, mes boîtes à lait, comme elles sont belles.

- T’as raison, de vrais rondins ! On peut pas dire que t’as les têtons dans le dos. Ça donne envie de te sucer la praline.

- C’est une honte, dit la sœur, toute rouge, j’en parlerai à l’aumônier.

Elle ferma le gaz et sortit en claquant violemment la porte avant de la verrouiller.

- Toujours salope, cette garce, fit remarquer Julie.

- Vous êtes loufes toutes les deux, dit Marie. Le babillard va vous faire boulotter de la calijatte pendant un mois.

- Qu’est-ce que cela veut dire, Marie ? demanda Léonie.

- Ces deux idiotes ont provoqué la bonne sœur qui va le raconter à l’aumônier. S’il le prend mal, il va les mettre au secret pendant un mois. Tu en as à apprendre ici, ma pauvre ! Bonsoir tout le monde !

- Bonsoir Marie, bonsoir les filles, répondirent les trois autres femmes.

Quelques instants plus tard, la cellule était silencieuse et Léonie, dans le noir, plongée dans des pensées encore plus sombres.

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