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Littérature


UN SOUVENIR CATALAN

Publié par François d'Auberoche sur 23 Octobre 2014, 12:58pm

UN SOUVENIR CATALAN

UN SOUVENIR CATALAN

Comment la conversation en était venue à porter sur les fantômes ? Les quatre personnes qui dégustaient, après leur repas, un rarissime Pittyvaich 1976, dans le salon de John Maxwell, se trouvaient dans sa vieille maison du petit village d’Ascog, dans l’île de Bute, en Ecosse.

Ces quatre personnes étaient, John Maxwell, le Directeur de la distillerie locale, Lewis Kingairloch, le principal actionnaire de Isle of Bute Distillers Ltd, Francis Graham, un ingénieur Londonien, actionnaire lui aussi, et Fernand Naudin, un Français, importateur de whiskies.

Ce dernier, avait apporté dans ses bagages quelques bouteilles de Vosne-Romanée qui avaient agréablement accompagné un délicieux Haggis.[1]

Aussi les quatre convives baignaient dans une douce béatitude que Fernand venait de troubler en demandant si le ravissant petit château de Rothesay était hanté.

  • C’est bien difficile à dire, dit John, il est inhabité, si un fantôme s’y trouve, il n’y a personne pour le voir.
  • L’on raconte que celui de Cawdor est le château préféré des fantômes, dit Lewis, mais je ne connais personne qui les ait vus.
  • D’après moi c’est impossible, intervint Francis, le cadre est trop souriant, les jardins si magnifiques avec leurs rhododendrons géants, les pièces trop ensoleillées. Bref, le lieu n’est pas assez sinistre pour que le moindre fantôme ait envie d’y séjourner.
  • Et pourtant, dit John, j’en ai vu un, dans un lieu superbe.
  • Pas possible, s’exclama Francis, racontez-nous cela.
  • Ce n’était pas exactement un fantôme, mais un succube.
  • Là, vous m’intéressez fort, je sens une histoire scabreuse, s'écria Fernand.
  • Vous ne serez pas déçu, d’autant plus que cela s’est passé en France. Mais, comme je vois Lewis ouvrir des yeux ronds, je précise que les succubes sont des démons tentateurs femelles, venant, la nuit, séduire les hommes. Cela s’est passé dans l’une des plus belles régions de France, en Catalogne, à Collioure plus précisément. Mais, avant que je poursuive, voulez-vous encore de ce Pittyvaich ?
  • Avec plaisir, s'écria Lewis, vous avez là un des plus magnifiques whiskies du Speyside.[2] Quel dommage que cette merveilleuse distillerie ait fermé en 1993. Son goût de Poire William est surprenant.
  • Je continue donc, dit John, en resservant ses invités, sans s’oublier lui-même. Il y a quelques années, mon ami Raoul Volfoni m’avait invité à passer quelques jours dans sa maison de Collioure. C’était en septembre, le temps y est toujours superbe en cette saison et les touristes sont partis. J’y étais déjà venu plusieurs fois et me faisais un plaisir d’y séjourner une semaine.
  • Raoul était venu me chercher à la gare et j’avoue que je me sentais un peu fatigué. Le voyage en train depuis Glasgow est un peu long et implique plusieurs changements. J’avouais à Raoul que je n’aspirais qu’à me mettre au lit, de suite après le dîner, alors qu’il me proposait une partie nocturne de pêche au lamparo.
  • Il vaut mieux en effet, me dit-il. Repose-toi bien, nous irons, Mado et moi, seuls avec nos amis pêcheurs. Nous risquons de ne rentrer qu’à l’aube.
  • Aussi, après le dîner, je bavardais seulement un instant avec Raoul et Mado, sa ravissante épouse. Je les félicitais sur les modifications qu’ils avaient apportées à leur intérieur, et admirais une splendide peau d’ours blanc posée devant la cheminée. Je m’étonnais qu’ils aient pu faire l’acquisition de cette fourrure car la vente en est interdite depuis longtemps.
  • J’en ai hérité d’un vieil oncle qui avait tué cet ours dans les années 1930, me dit Mado. La peau est remarquable, mais je crois, que si je veux la garder longtemps, il me faille la ranger dans un endroit plus frais pendant l’été. Bien, John ne restez pas avec nous par politesse, il va être dix heures. Allez vous coucher, nous n’allons pas tarder à partir au port tous les deux. Le chien gardera la maison. A demain matin.
  • J’allais me coucher et m’endormis aussitôt. Je me réveillais en pleine forme vers quatre heures. Six heures de sommeil me suffisent toujours amplement. Je décidais d’aller faire une petite promenade. Mes amis devaient être rentrés et c’est leur retour qui avait dû me réveiller.
  • Je bus un verre d’eau, m’habillais légèrement, sifflais le chien, un splendide bâtard nommé Marius, et nous nous dirigeâmes ensemble vers les collines. La maison de mes amis se trouve à l’extérieur de Collioure et domine la ville, elle jouit d’ailleurs d’une vue merveilleuse vers la mer. Les levers de soleil y sont toujours splendides. Mais je décidais d’aller plutôt admirer son lever à l’ermitage Notre Dame de Consolation. Il s’agit d’une petite chapelle qui se trouve dans un vallon à trois kilomètres de Collioure. Le trajet à pied, depuis la maison de mes amis, s’il est raide, n’était pas pour m’effrayer. La nuit était magnifique, malheureusement sans lune. Seule la clarté des étoiles me permettait de distinguer la route, puis le chemin qui conduit à l’ermitage. Tout en marchant, je me gorgeais des odeurs de vigne, mêlées à celles du maquis, si propres à cette région.
  • Je pense que nous n’étions plus très loin du but de mon ascension quand Marius se mit à gronder. Je vis son poil se hérisser, puis le grognement se transforma en plainte, le chien fit demi-tour, la queue entre les jambes, et repartit en courant vers la maison. Je le maudis et, voyant qu’il ne répondait pas à mes appels, je le suivis en courant moi aussi. Un sanglier avait dû l’effrayer. Etant responsable de sa sortie je tenais à le récupérer, car je savais que mes amis y étaient très attachés.
  • Tout en courant, je sentis comme une présence derrière moi. Je devais être suivi. Mais ce n’était pas un sanglier, je n’entendais rien, sentais un froid glacial dans mon dos et une brûlure sur la nuque, comme si un regard de braise se posait avec insistance sur moi. Tout en courant, je me retournais à plusieurs reprises, mais ne vis rien. C’est au galop que Marius et moi pénétrâmes dans la propriété de Raoul et Mado.
  • Marius alla se blottir dans sa niche tandis que je rejoignais le salon et m’affalais dans un profond fauteuil de cuir. Encore essoufflé par cette course, je m’efforçais de me calmer en me disant que j’étais sans doute un peu émotif. Rien ne justifiait la panique que j’avais éprouvée lors de cette course. Je fis des exercices de respiration et retrouvais progressivement mon souffle.
  • Pour mieux me calmer je me dirigeais vers le bar et me servit un bon verre d’armagnac. Je le dégustais tranquillement dans mon fauteuil, face à la cheminée, quand je sentis de nouveau que j’étais observé. Je me retournais et vis arriver vers moi la femme la plus splendide que je n’ai jamais vue de ma vie.
  • Je ne sais par où elle était entrée, mais c’était le cadet de mes soucis tandis que je l’admirais. Je regrette de ne pas être poète, mes chers amis pour essayer de vous décrire cette vision de rêve. Grande, fine, élancée, elle avait un merveilleux visage ovale, très fin, encadré par une chevelure d’un noir de jais qui lui tombait sur les épaules. Elle avait de grands yeux noirs en amande et une bouche dont le charmant et coquin sourire promettait mille voluptés. Les mamelons de sa poitrine haute et ferme tendaient le fin tissu transparent dont elle était à peine voilée. Je ne peux vous décrire le reste de son corps, tant le fait d’y penser me trouble encore. Sachez qu’elle était la femme dont vous avez toujours rêvé, tout en sachant qu’elle ne peut pas exister vraiment.
  • D’une voix douce et tendre, elle me demanda :
  • Pourquoi t’es-tu enfui devant moi ? Tu nous as fait perdre trop de temps.
  • Elle fit alors tomber ses voiles révélant sa nudité dans toute sa magnificence.
  • Mais vous n’êtes pas réelle, n’est-ce pas ? Qui êtes-vous ? Un rêve, un succube ? bredouillais-je.
  • Qu’importe qui je suis. Je suis là pour te donner des plaisirs dont tu n’as même pas idée. Allez, viens, ne me fais pas attendre.
  • Elle se coucha sur la peau d’ours, et s’offrit à moi. Une traînée de feu parcourut ma colonne vertébrale, je ne pensais à rien d’autre qu’à posséder cette créature magnifique. J’arrachais mes vêtements et nu, moi aussi, je me jetais sur elle. Elle serra ses bras autour de moi et me griffa délicatement le dos. J’entrais en elle, quand un flot de lumière envahit la pièce.
  • Mes amis de retour de la pêche ouvraient à cet instant les volets du salon.
  • Quand le soleil levant éclaira ma compagne, elle disparut instantanément. Mes amis purent ainsi me voir, nu comme un ver, en train de besogner leur précieuse fourrure. Me tournant vers eux, dans un état qui aurait fait rougir de honte un singe en rut, je subis leurs cris et injures.
  • En un instant, je me retrouvais dans le jardin en tenue d’Adam, propulsé par Raoul à grands coups de pied au derrière, tandis que Mado me jetait mes vêtements et ma valise.
  • Leurs hurlements hystériques ne me permirent pas de m’expliquer. Pour eux j’étais un obsédé bestial en train d’assouvir ses pulsions perverses en sodomisant la dépouille de ce pauvre ours blanc.

[1] Ou panse de brebis farcie. Plat composé du cœur, du foie et des poumons d’un mouton cuit dans sa panse.

[2] Zone géographique située autour de la vallée de la Spey dans les Highlands d’Écosse. Elle est le principal centre de l’industrie écossaise du whisky. On y trouve la plus grande concentration de distilleries de whiskies au monde

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