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Littérature


LES ECUREUILS

Publié par François Auberoche sur 20 Mars 2015, 18:44pm

LES ECUREUILS

Quand Antoine se réveilla au lever du jour, il constata avec tristesse que son nouvel ami était parti. Claire lui fit remarquer que son jeune compagnon avait peut-être eu besoin de retourner voir sa mère, sans doute pour s’alimenter. A cet instant, les deux porteuses de gamelles arrivèrent avec le petit-déjeuner. Ce n’était pas du tout ce que Basile et Antoine espéraient, comme des céréales, des croissants ou des brioches avec une bonne tasse de chocolat chaud ! Les deux dryades portaient le même récipient que la veille rempli d’une soupe noire.

La déconvenue des garçons fit exploser de rire Adeline et Claire. Au moins, elles n’auraient pas à freiner leur appétit. Ils avalèrent du bout des lèvres une cuillerée de bouillon, ce que firent aussi les demoiselles. A peine Antoine eut-il goûté sa soupe qu’il renversa son écuelle en hurlant :

  • C’est dégoûtant ! De la soupe aux brocolis ! Faut être fou !
  • Beurk, dit Claire. C’est pire qu’à la maison !

Elle renversa, elle-aussi son assiette, imitée par Adeline et Basile. Cela ne fut pas du goût des dryades qui constatèrent en revenant que le niveau de la soupière avait à peine baissé d’un tout petit centimètre. Elles proférèrent des cris qui devaient être des injures à leur encontre. L’une quitta la cage tandis que l’autre continuait à les invectiver en désignant les écuelles et la soupière.

LES ECUREUILS

Quelques instants plus tard, une petite troupe de dryades vint les chercher et les conduisit avec vigueur devant l’ancêtre qui leur avait parlé la veille. Elle avait l’air furieuse et s’exprima brièvement :

  • Je vous ai demandé hier de manger ! Ici, on m’obéit, de gré ou de force !
  • Mais…, commença Adeline.

Un coup de bâton derrière les genoux la fit s’écrouler. Agenouillée devant la matriarche, maintenue par deux dryades, elle eut la bouche grande ouverte par deux autres qui introduisirent entre ses dents deux énormes morceaux de bois. Alors une cinquième lui versa dans sa bouche tournée vers le ciel, l’équivalent de deux litres de soupe, viande légumes et bouillon inclus. Une vieille dryade lui massait la gorge pour bien faire descendre la nourriture.

LES ECUREUILS

Ce fut ensuite au tour de Claire de subir le même gavage, puis aux garçons. Quand ce fut fini, la sadique aïeule ricana en leur disant :

  • Ne m’obligez pas à recommencer ! J’ai horreur d’être dérangée ! Ce serait le double !

Les quatre prisonniers, humiliés et en larmes, regagnèrent leur cage sous une pluie de coups de bâton. Arrivés dans leur geôle, ils ne pouvaient même pas s’asseoir tant ils avaient de bleus. Adeline les prit tous dans ses bras et les consola du mieux qu’elle put.

La matinée s’écoula lentement. Les captifs n’avaient rien à faire. Ils avaient trop mal pour s’allonger et dormir. Debout ou accroupis sur leurs talons, ils passèrent le temps à se raconter des histoires ou en essayant de se distraire avec des jeux comme des devinettes. Vers le milieu de la journée, ils virent arriver avec angoisse les porteuses de nourriture.

Pour éviter la bastonnade, ils durent se forcer à se servir une assiette de viande et de bouillon, mais Adeline eut des difficultés à l’avaler. Elle refusa donc quand les porteurs insistèrent pour qu’ils prennent tous une autre ration. Elle fut aussitôt couchée sur le dos, maintenue par une des dryades pendant que l’autre lui administrait une volée de coups de bâton sur la plante des pieds. Claire, aussitôt, fit cesser les coups en faisant boire à la pauvre Adeline quelques cuillerées de soupe qu’elle avala en pleurant. Elle avait les pieds en sang et sanglotait. Pour éviter le même sort, tous se resservirent malgré leur dégoût.

Ecœurés par ce gavage et complètement démoralisés, les quatre détenus finirent par s’allonger sur le sol de la cage malgré leurs souffrances. Antoine allait s’endormir quand une léchouille à l’oreille le réveilla. Son ami, le petit écureuil, était de retour. Antoine le prit dans ses bras et eut avec lui une longue conversation dont les autres prisonniers ne saisirent aucun mot.

LES ECUREUILS

Antoine parlait à voix basse à l’oreille de son copain et celui-ci faisait de même avec Antoine. C’est à peine si Adeline et Claire entendirent des petits cris du genre :

  •  touk, touk

Antoine paraissait les comprendre. Au bout d’un quart d’heure de discussion acharnée, l’écureuil quitta la cage à toute vitesse. Bien sûr, Antoine fut soumis à un feu roulant de questions :

  • Vous avez vraiment discuté ? demanda Adeline.
  • Qu’est-ce qu’il t’a dit ? implora Claire.
  • Pourquoi tu fais semblant de parler avec cet écureuil ? dit Basile.
  • D’abord je ne fais pas semblant ! Ensuite nous avons beaucoup parlé et c’est un secret que je ne dois pas dire ! répondit Antoine tout fier de parler l’écureuil couramment.
  • Comment t’as appris ? demanda Basile.
  • Sur la terrasse à la marina. Je nourris les écureuils depuis des années et on se parle.
  • J’te crois pas !
  • Tu verras ce soir, répondit Antoine qui vint se blottir dans les bras d’Adeline, en lui soufflant :
  • On a peut-être une chance. Ne t’en fais pas pour la soupe, chut !

Adeline rassura Claire d’un sourire, fit un clin d’œil à Basile et câlina Antoine. L’après-midi se passa lentement mais tous avaient été réconfortés par la venue de l’écureuil qui avait semé en eux une graine d’espérance. Aussi, quand les redoutables gaveuses vinrent leur porter leur repas du soir, ils le mangèrent avec philosophie et n’eurent pas de nausées en l’avalant.

Dès que les dryades furent parties, les prisonniers n’eurent pas longtemps à attendre.

LES ECUREUILS

Quatre écureuils, deux adultes et deux jeunes bondirent dans la cage. Antoine reconnut aussitôt son petit camarade, le prit contre sa joue et l’écouta. Il s’adressa alors aux trois autres :

  • Voici la maman et le papa de mon copain. Il est venu aussi avec sa sœur. Ils n’ont pas de prénoms. Ça ne fait rien, on s’en passera. Les parents ont quelque chose à nous donner, c’est pour ne pas grossir.

Les parents posèrent devant Antoine une grosse touffe d’herbes variées.

LES ECUREUILS
  • Nous devons en manger après chaque repas. Ils nous en apporteront d’autres. Avalons-les !

Quand chacun eut avalé une bouchée de verdure, les écureuils s’approchèrent d’Adeline et posèrent devant ses pieds d’autres herbes.

  • Adeline, dit Antoine. Prends ces herbes et frotte-toi la plante des pieds. Tu ne devrais plus avoir mal et cela va guérir tes plaies.
LES ECUREUILS

Adeline s’exécuta en grimaçant car elle avait la plante des pieds complètement à vif. Elle frotta doucement et les écureuils vinrent l’aider en lui caressant les pieds avec une tige d’où suintait un sève épaisse et opalescente*. Aussitôt la blessée ne sentit plus aucune douleur. Antoine lui expliqua que c’était des tiges de gros coquelicots. Bientôt Adeline put même poser un pied par terre, mais les écureuils lui firent dire que non.

  • Tu ne dois pas toucher le sol avant demain. Ils te soigneront demain matin et tu seras guérie. Les écureuils demandent d’où nous venons et comment nous sommes arrivés ici.
LES ECUREUILS

Pendant une heure environ Claire, Basile et Adeline résumèrent leur aventure qu’Antoine traduisait aux écureuils. Ceux-ci étaient très intéressés par les naïades et posèrent plein de questions sur elles et le lieu où elles habitaient. Ils dirent qu’ils n’en avaient jamais entendu parler et étaient stupéfiés que des êtres semblables à des humains puissent vivre sous l’eau. Ils furent très intéressés par les poissons et la description du silure les sidéra. Des animaux aussi grands n’étaient pas habituels en forêt.

LES ECUREUILS

Ils voyaient parfois des chevreuils mais ce n’était pas du tout comme ces poissons. Vraiment, Antoine et ses amis avaient vu des bêtes merveilleuses ! Le portrait des nains les étonna. Comment des êtres pouvaient être faits avec des matériaux comme de la terre cuite ? Que ce monde hors de cette forêt était étrange ! Il valait mieux y rester et ils leur conseillèrent d’obéir aux dryades pour ne pas être mis à mort tout de suite. Eux, les écureuils, les protégeraient car Antoine avait sauvé un de leurs fils d’une mort certaine. En attendant que des secours arrivent, ils n’avaient pas de soucis à se faire. Ils les quittèrent alors en leur disant à demain.

  • Pas de problème, se félicita Antoine. Ces écureuils vont nous sauver la vie.
  • Ce qui est certain, fit remarquer Adeline. C’est que je marcherai sans problème jusqu’à la cuisine. Leur potion est miraculeuse.
  • Pas tout de suite ! dit Basile. Tu dois attendre jusqu’à demain pour marcher.
  • Je vois ce que tu veux dire, Adeline ! intervint Claire. A part la potion pour les pieds, rien de concret !
  • Et les herbes amaigrissantes ! rappela Antoine. C’est bien ça !
  • A condition que ce soit vrai, précisa Adeline. Gardons espoir, nous verrons bien demain.
  • Nous ne sommes pas non plus en Amazonie, dit Claire. Il doit bien y avoir des gens qui passent dans cette forêt.
  • J’en doute un peu, lui confia Adeline, au creux de l’oreille pour ne pas effrayer les garçons. Comment une civilisation d’anthropophages aurait-elle pu se développer si les hommes s’en étaient rendus compte ? Je pense que ces dryades sont les dernières survivantes des êtres mythologiques qui protégeaient les arbres et vivaient en paix avec les humains. Les hommes, défrichant sans cesse pour avoir de nouvelles terres cultivables, ont fait disparaitre peu à peu les dryades. Celles-ci, pour défendre leurs arbres, s’en sont pris aux humains, les ont tués puis mangés. Maintenant ils chassent pour leur viande, les petits groupes d’hommes qui pénètrent dans cette forêt.
  • Qu’allons-nous faire, alors ? demanda Claire.
  • Nous évader ! Je ne sais pas encore comment, mais nous devons le faire. Je ne veux pas vous voir partir à l’abattoir ! répondit Adeline.

 

 

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